Et si le vrai Colbert n'était pas du tout ce ministre modèle dont parlent les manuels d'histoire ? Colbert a édifié sa réputation sur les décombres de celle de ses prédécesseurs. Loin d'être irrésistible, sa réussite témoigne surtout d'un acharnement à occulter un passé douteux et des pratiques financières en contradiction totale avec ses prises de position théoriques. Alliant le cynisme à la dissimulation, ne reculant devant aucune contre-vérité, il se forge de toutes pièces une aura réformatrice et gestionnaire aussi artificielle que fallacieuse. Manipulateur, il abuse sans scrupule un souverain jeune et encore inexpérimenté, dont il sait avec habileté utiliser à son profit la volonté de puissance et l'orgueil blessé. Dans cette optique, il multiplie les textes vengeurs et les philippiques cotre ses adversaires, à commencer par Fouquet. Dans ce contexte, les Mémoires sur les affaires de finances de France pour servir à l'Histoire s'inscrivent parmi les textes majeurs à notre compréhension de la genèse de l'Etat absolutiste. Ce texte constitue cependant un formidable exemple de désinformation, en grande partie à des fins personnelles.