L'aliénation dans le roman américain contemporain (1)
Description:... Le roman américain est un NON tonitruant. Non à la « syphilisation » (Marc Twain, déjà). Non aux institutions, aux mythes, aux valeurs dominantes, aux manipulations de mots et d’images. Pourtant, la remise en question est rarement radicale : le romancier s’attaque moins aux fondements du système, qu’à ses déformations, moins aux sources de l’aliénation qu’à ses manifestations — propageant ainsi une idéologie dominante nettoyée de ses excès. Exemple : l’inégal rapport entre les êtres est dénoncé, en même temps qu’est naturalisé le rapport de domination entre l’homme et la femme, le parent et l’enfant, le Blanc et le Noir. L’écrivain invite à explorer des espaces-temps jusqu’alors interdits. Il proclame l’égalité dans la folie, la liberté dans l’aliénation. Il fixe le seuil de tolérance dans les limites à la fois supportables par le système, et nécessaires à son fonctionnement. C’est le grand normalisateur. Son rôle est ambigu. Comme celui du journaliste, de l’enseignant ou du médecin. Comme eux, il est piégé et, comme eux, responsable de sa production. Les polarités sont claires : collaboration et résistance, mais les prises de position individuelles des romanciers sont nuancées. Ce qui frappe en dernière analyse, c’est la stabilité des institutions littéraires et politiques, qui oscillent entre l’affirmation et la contestation, le renforcement mutuel du pouvoir des mots et des choses, la capacité d’absorption d’un système toujours plus autoritaire, qui prend le masque d’une tolérance toujours plus répressive.
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