Burundi, l'histoire retrouvée
Vingt-cinq ans de métier d'historien en Afrique
Description:... Le « métier d'historien » mené en Afrique par un Européen de la fin du XXe siècle est un combat à la fois scientifique et éthique pour aller au-delà des écrans placés par ses ancêtres « ethno-graphes ». L'auteur nous offre ici un exemple des problèmes spécifiques de l'écriture de cette histoire et un témoignage sur les retrouvailles d'un pays avec son passé, au moment où il est tragiquement déchiré par des intégrismes ethniques imprégnés de la raciologie du siècle dernier. En 1962, à son indépendance, le Burundi héritait, en guise d'« histoire », d'un folklore bâtard, où la société dite traditionnelle, gérée par le missionnaire et l'administrateur colonial, était comme l'alchimie immuable d'un dosage de races « nègre » et « hamite ». Le métier d'historien exigeait d'abord un effort pour retrouver un regard intérieur, respirer l'air des collines, y retrouver les « lieux de mémoire », écouter les « voix du passé » restées extraordinairement riches encore dans les années 1960 et 1970. En même temps, ce métier d'historien s'est affirmé en refusant la myopie des micronationalismes, en situant cet ancien royaume des grands lacs dans l'espace est-africain, dans une profondeur temporelle de deux millénaires, et en combinant la sympathie avec le doute méthodique, face à tous les clichés. Ni âge d'or précolonial, ni beau temps de la colonie, ni réduction au couple simpliste de « la tradition et de la modernité » ; les dynamiques anciennes, les blocages du « progrès » à la mode coloniale, les quiproquos du discours « civilisateur », la vanité des dates-fétiches des manuels. Voilà les convictions illustrées par cet ouvrage. Les deux dernières parties du livre portent sur le conflit « ethnique » hutu-tutsi qui divise depuis trente ans ce qu'on a pu appeler un vieux peuple-nation. Clivage social ? racial ? La réflexion historique vise plutôt à expliciter les processus contemporains qui ont piégé de la sorte toute la vie sociale. La construction d'un climat de guerre civile larvé ou ouvert - on le voit encore en octobre 1993 - se définit sur un lexique archaïque, mais relu dans la tourmente de la politique contemporaine. De nouvelles mémoires se créent, en rupture avec le passé, même si des origines lointaines sont idéologiquement invoquées. Le nouveau contrat démocratique ne remplace pas aisément les anciennes logiques de la religion monarchique, quand le champ social se réduit à un débat sur la survie et l'exclusion. Une histoire retrouvée dans une nation assassinée ?
Show description