Nous sommes dans un temps de déconstruction si aigu qu’il n’y a guère de question qui recueille un consensus partagé. Témoin par exemple la question du travail[1] : la plupart des croyances qui soutenaient la valeur travail se sont effondrées. Le résultat, c’est que nous sommes en chemin pour changer le paradigme du travail.
Nous pourrions dire exactement la même chose au sujet du pouvoir politique. L’ancien paradigme était avant tout le « pouvoir sur ». Les critiques fusent de tous bords, nous en avons assez, nous cherchons une voie pour en direction du « pouvoir avec », un pouvoir qui ne repose plus sur la contrainte, mais soit fondé sur la coopération et qui est en recherche d’une organisation commune en vue du bien commun. Nous sommes en passe de changer le paradigme du pouvoir de retrouver la dimension spirituelle du pouvoir politique. Mais précision importante : sa dimension spirituelle et pas religieuse[2]. Bien sûr, les mots sont emmêlés, mais la spiritualité n’est pas la religion, mais la dimension profonde et vivante de l’esprit. On a à tort confondu les termes et opposé « pouvoir spirituel » et « pouvoir temporel », comme s’ils étaient substantiellement différents, alors qu’on parlait de la différence entre les religions et l’État. Mais le soi-disant « pouvoir spirituel » qui a gouverné notre histoire était en fait exercé par l’organisation puissante des religions et dès qu’il y a organisation, il y a des enjeux de pouvoir qui ne sont rien d’autre que du pouvoir sur les masses, un pouvoir qui est temporel avant tout. S’il demeure quelques traces de la dimension spirituelle dans les religions, elle se réfugie au cours du temps en marge et se recroqueville dans la mystique. L’esprit s’en va et la lettre reste, la lettre c’est l’organisation et l’organisation dans les monothéismes ne tarde pas à constituer une main de fer qui a une forte dimension politique. Il est absurde de dissocier les religions du pouvoir temporel alors que de tous temps, elles l’ont exercé. Ce n’est pas parce que nous avons choisi le régime laïque de l’État qu’il a le monopole du pouvoir temporel. Le pouvoir politique est présent dans toutes les sociétés et il se concentre dans toutes les organisations, ce qui donne lieu à des groupes de pression qui entrent directement en lice dans les jeux de pouvoir. Et les religions en font partie, comme toutes les organisations. Dès l’instant où un credo sort de sa première mouvance qui était sectaire pour recevoir une reconnaissance sociale, il a pignon sur rue, il devient religion, il devient une organisation qui, comme toutes les autres, véhicule des enjeux de pouvoir. On peut dire que les efforts menés depuis Les Lumières pont contribué à révéler la structure rationnelle de l’État et depuis, notre volonté a été constante : nous avons affirmé la séparation de l’église et de l’État. Nous laissons à chacun toute latitude dans l’ordre de la foi, mais nous veillons à ce que le vivre ensemble soit dans la sphère publique indépendant et neutre par rapport aux croyances. C’est la seulement manière de laisser coexister des religions différentes, tout en maintenant un ordre politique supérieur du point de vue temporel.
[1] Cf. Réflexions sur le Travail.
[2] Cf. L’Ouverture philosophique.
Sommaire :
Philosophie............................................................ 3
du...............................................................................
Pouvoir.....................................................................
Introduction..................................................................................... 9
Chapitre I.......................................................................................... 15
Le pouvoir et les pouvoirs............................................................ 15
A. Les facteurs de légitimation du pouvoir politique............ 16
B. Le citoyen et les affrontements de pouvoirs...................... 22
C. Force du pouvoir et raison d'État........................................ 26
Chapitre II La société face à l’État......................................... 35
A. Société primitive et pouvoir................................................. 36
B. La société primitive contre l’État......................................... 42
C. Sur les origines de l’État....................................................... 48
Chapitre III...................................................................................... 55
Le pouvoir et le droit.................................................................... 55
A. La logique sécuritaire............................................................ 56
B. Le Contrat social et la Souveraineté................................... 60
C. Séparation des pouvoirs et vertus du citoyen.................. 66
Chapitre IV....................................................................................... 71
De la société à l'État..................................................................... 71
A. L’État et la nation................................................................... 72
B. Apologie de l’État ou imposture........................................... 78
C. Du monde actuel à l'État mondial....................................... 82
Chapitre V......................................................................................... 91
Pourquoi la démocratie ?............................................................. 91
A. Un idéal ou un aléa historique ?.......................................... 92
B. La démocratie vue comme un idéal contemporain.......... 98
C. Utopie, autonomie et démocratie...................................... 104
Chapitre VI Démocratie et partis politiques....................... 111
A. L’idée de parti et l’Histoire.................................................. 112
B. Le flou de la doctrine et la persuasion............................... 116
C. Représenter en conscience.................................................. 122
Chapitre VII................................................................................... 129
Le pouvoir....................................................................................... 129
et l’opinion publique................................................................... 129
A. Le concept d’opinion publique............................................ 130
B. Satisfaire ou manipuler ?.................................................... 134
C. La volonté d’un peuple et le pouvoir................................. 140
Chapitre VIII.................................................................................. 147
Pouvoir, imaginaire et utopie.................................................... 147
A. Le projet de l’utopie et sa forme littéraire........................ 148
B. Critique de l’utopie et utopie critique................................ 152
C. Un zeste de lucidité avec le goût de l’utopie..................... 158
Chapitre IX..................................................................................... 167
Le pouvoir et l’autorité.............................................................. 167
A. L’inquiétante soumission à l’autorité................................ 168
B. Autorité naturelle, autorité instituée................................. 173
C. Le devenir de l’autorité politique....................................... 178
Chapitre X...................................................................................... 187
Penser la révolution................................................................... 187
A. Les prémisses et le changement......................................... 188
B. Lignes de force et mouvement global................................ 192
C. L’esprit des révolutions....................................................... 198
Chapitre XI.................................................................................... 207
Le pouvoir politique.................................................................... 207
et les puissances de l’argent..................................................... 207
A. Intrications, implications................................................... 208
B. La politique des plus noirs desseins.................................. 212
C. La politique telle qu’elle se présente.................................. 219
Chapitre XII................................................................................... 227
Sur la démocratie directe......................................................... 227
A. Voir la représentation politique telle qu’elle est............. 228
B. Le tirage au sort et la démocratie..................................... 233
C. Le rôle majeur de la Constitution...................................... 239
Chapitre XIII Sur le gouvernement représentatif......... 247
A. Un peu d’histoire et de philosophie politique.................. 248
B. Le principe de distinction et la représentation............... 254
C. Aspects démocratiques et aristocratiques du gouvernement représentatif.............................................................................. 262
Chapitre XIV Théorie du complot et conspiration............. 271
A. Le complotisme du côté de la déraison............................. 272
B. La réalité des complots et l’histoire................................... 276
C. Essais de théorie critique sur la marche du monde....... 283
Conclusion............................................................................... ccxciii
Appendices................................................................................. 297
1. Extraits de textes................................................................... 297
2. Remarques sur la bibliographie......................................... 311
3. Conventions typographiques.............................................. 313
Table des matières....................................................................... 315